Jusant, c’est le nouveau jeu de Don’t Nod, les créateurs de la série Life is Strange, entre autres. Cette fois, le studio nous propose d’escalader une tour dont le sommet est caché dans les nuages. Une épopée placée sous le signe du silence et de la contemplation. Venant d’eux, c’est une proposition assez atypique. Vaut-elle le détour ? Voici notre verdict.
Don’t Nod Entertainment, c’est Vampyr, Life is Strange, mais également Tell Me Why et Twin Mirror. C’est un studio qui tient à livrer des histoires poignantes à travers des jeux narratifs aux dialogues travaillés. Alors quand Jusant a été annoncé, ce fut un peu la surprise générale. C’est un jeu d’escalade, narratif certes, mais où la progression se fait dans le silence le plus total. Aucun dialogue, aucune interaction avec d’autres personnes, rien de tout ça. Vu de loin, cela semble être un pari risqué pour Don’t Nod. Est-ce que les développeurs ont bien fait de sortir de leur zone de confort en nous offrant cette expérience contemplative ?
Silence, ça monte
Jusant étant un jeu peu bavard, on entre rapidement dans le vif du sujet. Le postulat de départ est simple, on incarne une jeune personne qui a visiblement erré dans le désert pendant un certain temps. Celle-ci a de toute évidence un objectif en tête : gravir une tour immense qui se situe en plein milieu de l’étendue désertique jonchée de bateaux et d’ancres. Qu’est-ce qui se trouve en haut de l’édifice ? Pourquoi ne voit-on pas âme qui vive autour de nous ? C’est ce type de question auquel on va devoir apporter des réponses. Et ce n’est pas facile de raconter une histoire sans proférer le moindre mot.
Le personnage qu’on joue est seul au monde, ou presque. Il n’y a tout simplement pas d’humain avec qui il peut interagir. La montée se fait donc dans le calme, et c’est vraiment reposant. C’est d’ailleurs l’objectif du studio. Il veut avant tout proposer un titre dans lequel on se concentre sur l’escalade et le décor qui nous entoure. Jusant est une ode à la contemplation, et il parvient sans problème à nous faire rentrer dans cet état.
Ce n’est pas seulement le visuel qui nous procure un sentiment de détente. Les décors sont beaux et variés, certes, mais c’est le silence complet qui est envoûtant. On entend uniquement le bruit de nos pas, de la faune, du vent, le vol des oiseaux, et quelquefois, les échos du passé de la tour. Car oui, il y a bien eu de la vie avant notre arrivée. Les habitants ont disparu, mais leurs installations, leurs commerces et leurs maisons, eux, sont toujours là. Pour savoir ce qui s’est passé, des notes sont disséminées çà et là, et elles nous permettent d’obtenir des informations sur la tour et le fonctionnement de la société qui s’y trouvait. C’est plutôt intéressant, et ce n’est pas la seule manière de narrer l’histoire. Tout ce qu’on voit nous dit quelque chose sur le monde de Jusant, c’est une belle utilisation de la narration environnementale.
On comprend ainsi que l’eau n’est maintenant plus qu’une vieille légende racontée par les anciens. La pluie est un conte pour enfants, à l’instar des mers et des océans. Certaines personnes ont donc entrepris un voyage dans le désert pour tenter de retrouver cette précieuse ressource qui alimentait la tour. D’autres ont décidé d’aller jusqu’au sommet de cette dernière, une entreprise risquée qui n’a jamais porté ses fruits. Il est justement possible de retracer, en parallèle de l’ascension, les péripéties d’une fille intrépide ayant pris la décision de grimper jusqu’en haut. Son histoire est touchante, voire parfois prenante, et la découvrir dans son entièreté représente un bel objectif secondaire.
La montagne, ça vous gagne
L’ascension n’est pas de tout repos, et elle se fait à la bonne franquette, c’est-à-dire avec des pitons, une corde, et des mains beaucoup trop puissantes pour un personnage de cette taille. L’élément le plus important de l’équipement est de loin le piton, et on en possède un total de 4. Ils servent à escalader les mille et une parois qu’on rencontre. Lorsqu’on se met à grimper, on pose un premier piton qui sert à nous retenir en cas de chute. On peut ensuite poser les trois autres n’importe où. Si on gravit une longue paroi, il vaut mieux en poser régulièrement en cours de route. Ils nous empêchent alors, en cas de chute, de retomber tout en bas.
Il faut également surveiller sa barre d’endurance, qui se vide progressivement quand on se déplace sur un mur. Plus nos mouvements sont fatigants, comme un saut, plus elle se vide vite. Pour en regagner, on peut relaxer l’une de ses mains au milieu de l’ascension, ou se hisser jusqu’à un point de contrôle où on vient s’ancrer. C’est plutôt bien pensé, et surtout jamais frustrant. Par contre, le maniement du personnage l’est parfois. Il manque de précision, et c’est un peu gênant selon les séquences de jeu. Heureusement, la mort n’existe pas dans Jusant. Cela empêcherait l’expérience d’embrasser pleinement son caractère contemplatif. Du coup, si on tombe, la seule conséquence est d’avoir perdu du temps, même si le but n’est pas de se presser. On progresse donc sans se prendre la tête, ce qui permet de profiter des panoramas somptueux de Jusant.
Quant à l’escalade, elle ne se fait pas en appuyant sur un seul bouton pour se hisser vers le haut. Sur une manette, la main gauche du personnage est gérée par la gâchette LT (ou L2) tandis que sa main droite est prise en charge par la gâchette RT (ou R2). Cela rend la montée plus technique, puisqu’il faut bien penser à relâcher l’une des deux mains pour atteindre la prise suivante. Ceci dit, ce n’est en rien fastidieux. C’est justement plus facile à prendre en main qu’il n’y paraît. En vérité, on peut aller jusqu’à accélérer le processus en appuyant plein de fois d’affilée sur les deux touches en même temps. Notre alpiniste grimpe alors sans le moindre souci, car la marge d’erreur est extrêmement faible. D’une manière générale, on ne reste pas coincé sur une paroi, sauf exceptions.
Cela ne veut pas dire que le gameplay manque de variété. Certes, de prime abord, on peut avoir l’impression de faire face à des mécaniques de jeu limitées. Toutefois, les développeurs ont pallié ce problème en proposant d’évoluer dans des biomes différents, aussi bien au niveau de l'environnement que de la faune. La tour nous donne l’impression de voyager à travers plusieurs continents tant ses strates n’ont que peu de ressemblance entre elles. Et ces fameux biomes vont diversifier le gameplay de Jusant. Par exemple, la zone aride et son soleil cuisant met en péril certaines prises et aspire notre endurance plus rapidement. Le décor ne fait donc pas acte de présence, puisqu’il a également un rôle sur le plan narratif et ludique. La progression n’en est que plus appréciable.
Un dernier élément vient se glisser à vos côtés tout au long de l’aventure : le Ballast, une petite créature mignonne entièrement constituée d’eau. Elle possède un pouvoir qui va lui aussi apporter une nouvelle mécanique dans la balance : elle peut redonner vie à la nature environnante. En activant sa compétence, on fait notamment grandir des plantes, ouvrant ainsi de nouveaux passages à emprunter pour continuer à escalader la tour. Cela ajoute de la variété à l’expérience, ce qui n'est pas déplaisant. D’ailleurs, ça enrichit directement la partie exploration, ô combien importante dans Jusant.
L'exploration au centre de l'expérience
L’arrivée jusqu’au sommet de la tour ne se fait pas en suivant un seul et unique chemin. Jusant n’est pas linéaire, et même lorsqu’on emprunte la route principale, il est souvent possible de choisir plusieurs embranchements. C’est bienvenu, et comme nous l’avons déjà dit, l’idée n’est pas de se dépêcher d’en avoir fini avec l’ascension. En plus, si vous le faites, vous aurez probablement bouclé l’aventure en moins de 4h, en passant à côté de son beau message. Il faut savourer la proposition pertinente du jeu et son récit qui a le potentiel de rendre confus quelques joueurs.
Si vous êtes curieux, l’histoire de la tour n’est pas compliquée à suivre et elle est assez simple à comprendre. C’est moins le cas des motivations de notre protagoniste, ainsi que des origines de la tour. Il semble y avoir des fresques et d’autres structures ayant appartenu à une civilisation plus ancienne qui a occupé les lieux par le passé. Cependant, le jeu ne rentre pas dans les détails vis-à-vis de celle-ci, et ça en devient trop cryptique. Finalement, on arrive au terme de Jusant sans vraiment saisir le sens de ce qu’on a vu, ou ce qui nous a mené à entreprendre cette tâche.
Le scénario peut donc vous perdre facilement, mais ça n’a rien de grave. L’exploration dans Jusant est agréable pour la simple et bonne raison qu’on profite de voir des panoramas à couper le souffle. De nombreux chemins secondaires existent en parallèle de la route vers le sommet. Le jeu souhaite volontairement ne pas indiquer sans arrêt la route à prendre vers le haut de la tour. Il veut que le joueur s’égare, qu’il emprunte des passages alternatifs, tout ça dans le but d’apprécier la beauté de Jusant. Croyez-nous, vous pouvez passer à côté de belles choses. Cela renforce l’aspect méditatif, car on erre quelquefois sans but, et ce n’est en aucun cas une tare. Les musiques du jeu, assez discrètes pour la plupart, suivent également cette logique, et elles sont un véritable délice pour les oreilles.